L’histoire de la « Sambre Belge »

La Sambre belge à 175 ans

Comment est-ce possible ?  Comment prétendre que la Sambre, cette rivière qui prend sa source en France, dans le département de l’Aisne, à la fontaine de Malarmé, dans la haie de Queverlèche, au bois de Cartigny* n’aurait que 175 ans ???
Anciennement la rivière prenait sa source à la fontaine aux Charmes, dans la foret du Nouvion. Son lit fût détourné en 1684 par une digue, qui lui fit prendre son cours vers l’Oise, afin d’y faire descendre en flottaison les bois de la grande foret du Nouvion vers Paris.
(* source : Philippe Cnudde Les voies navigables en Hainaut du moyen âge à nos jours aux éditions Hannonia)

Je ne vous parle pas de la rivière bien évidemment, mais de la « Sambre belge » cette société d’assurance mutuelle fondée le 26 septembre 1843 par des bateliers audacieux, qui se sont groupés afin de mutualiser leurs efforts. Il s’agissait de disposer des moyens financiers et du savoir-faire nécessaire afin de se prémunir contre les accidents et les aléas de la navigation moderne (pour l’époque).   Au début du 19ième siècle, les rivières étaient canalisées et des canaux de jonctions étaient creusés afin de relier entre eux les bassins hydrographiques.  L’industrie avait grandement besoin de moyens de transports de masse afin d’exporter ses produits : charbons, minerais, calcaires, bois, briques, fer,…

La batellerie connu un essor sans précédent et de nombreuses familles  embarquèrent pour de longs trajets.  Le domicile principal, souvent unique, devint le bateau.
Les péniches (en bois) non motorisées étaient fragiles.  Si les industriels avaient poussés les états à investir dans les voies d’eau, c’était bien pour les exploiter sans entrave.
Le règlement de navigation approuvé par arrêté royal du 16 août 1828 stipulait

ART. 30 Tout bateau coulé ou échoué, doit être enlevé dans les 48 heures, sinon, il y est pourvu d’office, de la part des préposés à la police sur le canal, aux frais du
propriétaire du bateau, à moins que le délai soit reconnu insuffisant.

Au vu de cet article du règlement de la navigation, les bateliers se sont organisés.  Afin de pouvoir subvenir éventuellement aux frais liés à un naufrage, ils ont formé une société mutuelle d’assurance.   C’est fascinant quand on y pense.  A cette époque, combien d’entre eux étaient instruits ?  Ils ont pourtant su faire les démarches nécessaires afin de créer la société et s’organiser afin de la gérer eux-mêmes.  Pour la financer, ils ont mis en place un système de « cagnote ».  Chaque membre payait une mise d’entrée calculée  en fonction de l’état de la caisse et une mise ordinaire annuelle.

Exemple au terme de l’année 1848-1849 l’actif net de la société s’élevait à : 8764.18 Frb.
A noter que lors de cet exercice aucun sinistre ne fut à déplorer !!!

 Aperçu de l’évolution de la flotte assurée par « La Sambre Belge » jusque la guerre 14-18.

Année  Bateaux Sociétaires Tonnage
1848 49 29  
1873 228 132  
1900 470 364 132971
1914 455 388  

La première guerre mondiale va avoir de lourdes conséquences sur la navigation.  La Sambre belge suspendit ses activités le 1ier juillet 1916 jusque la fin de la guerre.   Depuis la fin du 19ième siècle, à Thuin, d’autres sociétés mutuelles avaient vu le jour : L’ « Egalité », La « Sambre et Meuse » et La « Liberté ».  Elles décidèrent toutes de s’associer avec les statuts et règlements de la « Sambre belge » pour reprendre leurs activités après la guerre. L’entente cordiale dura quelques années, jusqu’en 1922.  Au terme de cet exercice, la Sambre belge et l’Egalité reprirent leur indépendance.
En 1926 la « Sambre et Meuse » et la « Liberté » fusionnèrent sous le nom de « L’Alliance batelière ».

Que devint l’Egalité ???  On l’ignore !!!  Si vous avez des informations ou des documents sur les mutuelles de l’époque, n’hésitez pas à nous les communiquer dans un but de mémoire corporative.

En 1940 nouveau conflit et nouvelle fusion.  La Sambre belge et l’Alliance batelière étant dans l’obligation de suspendre leurs activités, quelques personnalités prirent leurs responsabilités : messieurs Edgard Barbier, Pierre Blampain, Raoul Blanchard, Eugène Ceulemans, Georges Cheron, Marc Dagnelie, Dominique Dehaeck, Nestor Everbecq, Hubert Hachez, Joseph Michiels, Victor et Jules Walbrecq, tous membres et/ou administrateurs des 2 mutuelles, se réunirent et décidèrent de provoquer une assemblée générale extraordinaire ouverte à tous les bateliers le 8 septembre 1940.  Au terme de cette assemblée environ 80 adhérents décidèrent de former une nouvelle société sous la dénomination de « L’Alliance Batelière de la Sambre Belge ».

Ce mois de septembre 2018, « L’Alliance Batelière de la Sambre Belge » célèbre donc son 175 ième anniversaire.  Quelle société peut en dire autant ?  En Belgique elle est désormais la seule à proposer aux bateliers une couverture mutualiste.  Toutes les autres sociétés d’assurance sont à but purement commercial ! Que d’évolutions depuis la création ! Il a fallu s’adapter au marché.  Des péniches en bois, en passant par les godilles, les spits en fer à la traction, les moteurs, les « gros bateaux », les pousseurs, les grands rhénans,….

L’évolution ne fut pas que matérielle.  Quel batelier comprend encore aujourd’hui le terme : mutuelle ?  Définition : groupe volontaire de personnes (physiques et morales) fonctionnant selon le principe de la solidarité entre membres, et tentant avant tout de répondre aux besoins de ceux-ci plutôt que d’obtenir un retour sur investissement. (source encyclopédie libre Wikipédia)

Aux Pays-Bas les grosses compagnies privées ont fait la razzia sur le marché et à force de fusions acquisitions ont éliminé une à une les petites mutuelles pourtant gérées avec soin par du personnel dévoué à la cause batelière.

Après 175 ans, « L’Alliance Batelière de la Sambre Belge » est en excellente santé financière.  Forte de son expérience, elle croit en l’avenir de la batellerie artisanale.  Soyons optimistes, je vous fixe rendez-vous dans 25 ans pour faire le bilan du 200 ième anniversaire.

Denis Dagnelie (article paru dans le périodique « fil de l’eau » septembre 2018)

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